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La mort du chat, deuil impossible. Entretien avec Guy Fequant, auteur du roman Plume.

Photo de Plume par Jean-Marie Lecomte des Editions Noires Terres

La mort d’un animal, domestique ou sauvage, a inspiré des créations artistiques innombrables, et de tous ordres. Des exemples ? « Le petit chat est mort » de Molière, réplique tellement difficile à placer qu’elle est devenue la tarte à la crème de tous les concours de théâtre.  « La mort du loup », poème de Vigny mais surtout musique sublime de Vangelis Papathanassiou dans le film « l’Apocalypse des animaux » de Frederic Rossif. « Le cimetière des éléphants » d’Eddy Mitchell, « Le lion est mort ce soir » de Salvador, « Le roi lion » de Disney/Tezuka. Il y a des centaines de manières d’appréhender la mort de l’animal, depuis l’humour grinçant à la crise de larmes en passant par la poésie nostalgique. 

L’ouvrage de Guy Fequant, « Plume », qui relate son extrême douleur lors de la mort brutale de sa chatte, puis les efforts colossaux entrepris par l’auteur pour faire le deuil de l’animal, l’écriture de ce livre entre autres, une longue marche quasi expiatoire en Italie, une réflexion approfondie sur la mort, a été présenté par Micetto.

Nous avons eu récemment l’occasion de parler avec l’auteur, homme fort cultivé, toujours dévasté par la mort de sa chatte. Nous avons parlé voyage, marche, Italie, style gothique et roman, toutes choses fort bien traitées dans le livre, mais surtout et bien sûr de la mort du chat, cette chose terrible dont il ne s’est clairement toujours pas remis. 

Bien sûr, comme dans tous les romans, l’autobiographie de l’auteur est toujours très présente, de Saint Exupéry à Simenon, l’homme nous parle d’abord de lui, à travers ses personnages inventés ou très réels, fussent-ils masqués sous des pseudonymes… 

Photo de Guy Fequant par Jean-Marie Lecomte des Editions Noires TerresDonc, les chats du professeur (d’histoire et géo) Féquant sont réels, non inventés. On parle bien sûr de Plume, petite chatte morte les reins brisés sous les crocs d’un chien dressé à l’attaque par un voisin con comme on peut l’être quand l’ignorance va jusqu’au meurtre. Triste destin, ici le roman ne ment pas. L’auteur me dira que bien que n’étant pas croyant, c’est au cœur de la Cathédrale d’Autun, dévasté de douleur, qu’il décide d’écrire (et surtout d’aller au bout, de finir) le livre sur Plume, et ce trois jours après la mort de la petite chatte. Ce qui sera fait en six semaines, ce qui est en soi un exploit, surtout si bien écrit. 

Mais si l’écriture aide à combattre la douleur, elle ne la terrasse pas. L’autre façon de faire le deuil est connue, qui consiste à partir.  Marcher, chercher la spiritualité, presque une quête de rédemption.  L’auteur marchera en Italie. Il s’agit de la plus belle région du pays. Extrêmement vallonnée et éclatante de cette lumière qui a obsédé le voyageur depuis l’Antiquité, elle est aussi un défi sportif qui le mène d’Arezzo, cité étrusque située en Toscane,  à Assise, en Ombrie, lieu de naissance de Saint François. Il longe le Lac Trasimène, là où Hannibal détruisit l’armée romaine en entier. Un psychanalyste (j’allais dire à deux balles, mais un psy a deux balles ça n’existe pas, non ça n’existe pas eut répété Prevert…) eût trouvé dans tous ces lieux des milliards de messages, des explications longues à faire honte aux quatre évangélistes officiels et à tous leurs exégètes… Là, le long du lac, une personne lui demande pourquoi il marche. Il répond qu’il tente d’apaiser l’abandon. La quête spirituelle tourne parfois au mysticisme, avoir Assise comme destination n’a rien d’un hasard. En fait, ce que raconte Guy Fequant, c’est, selon ses mots, une tentative d’approche lucide mais surtout une confrontation tragique à la mort.

Personnellement, et ce depuis longtemps, j’ai réussi à faire le deuil de ceux que j’aime de leur vivant. Du coup, ils restent vivants. Autre façon de dire merde à la camarde (1)… C’est- à ce moment que j’ai demandé à Guy Féquant s’il a un nouveau chat. La réponse a fusé… Non !  

Cet homme habite la campagne et m’énumère alors tous les dangers potentiels d’un chat dans ce genre d’endroit, la perte, le choc avec une voiture, l’empoisonnement chez un voisin qui en a marre de voir le chat venir chez lui ou aussi une rencontre avec un animal qui peut blesser ou tuer… J’ai même ajouté que Maître Alligné, qui prodigue ses conseils juridiques aux lecteurs de Micetto, avait même plaidé plusieurs fois contre des voisins ayant posé des mines, oui des mines chez eux… Bref, plus de chat, l’auteur serait mort d’angoisse à l’idée que quoi que ce soit puisse arriver à son animal…

Il a raison, nous en avertissons nos lecteurs assez souvent, laisser un chat dehors c’est le mettre en danger, mais voilà, impossible de faire autrement, la campagne est plus dangereuse que la ville pour un chat c’est comme ça. On peut essayer de prendre des précautions, mais on sait aussi qu’un chat fait ce qu’il veut. La raison invoquée par l’auteur est donc d’une logique absolue. Mais il m’a aussi semblé que Guy Féquant pouvait refuser d’avoir un nouveau chat pour d’autres raisons que la prévention du danger. Une sorte de fidélité à Plume, peut-être l’idée que ce serait une trahison. Sur ce point, cet homme dont le discours est si formidablement clair, délectable même, n’a pas donné de vraie réponse… Normal au fond, le deuil de Plume n'est pas terminé, la souffrance est toujours là, de celles qui ne vous lâchent pas.

 

(1) La Camarde est une figure allégorique de la mort représentée généralement sous les traits d'un squelette. Son nom est issu de l'adjectif camard qui signifie : qui a le nez plat. La Camarde était donc la représentation squelettique de la mort puisque le crâne ne possède pas de nez.

 L'article est illustré par une photo de Plume et de Guy Fequant, de Jean-Marie Lecomte des Editions Noires Terres

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