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Romain Gary a été sauvé du suicide par un chat...

Romain Gary a été sauvé du suicide par un chat...

Romain Gary est un personnage immense du 20ème siècle, qui raconte dans son livre « La promesse de l‘aube » comment un chat lui a sauvé la vie.
Il a bien fait le chat, de sauver l’auteur. Romain Gary est deux fois prix Goncourt, sous son nom et sous le pseudo d’Emile Ajar, c’est un grand résistant, aviateur membre des FAFL, les Forces Aériennes Françaises Libres, compagnon de la Libération. Il s’est suicidé (vraiment, là ce n’était plus du roman) un an après sa compagne Jean Seberg (qu’il avait d’ailleurs quittée depuis longtemps !),  l’héroïne qui vend le « Niou Yorwk Haiwrauld Trwibiune ! » dans  les rues de Paris, filmée par Godard dans « A bout de souffle »...

Romain Gary et sa femme Jean Seberg.
Bref, on nage dans le sublime, même si Gary, à l’image de bien des génies, était un poil cinglé.
Mais comment le chat le sauve t’il ?
Gary se raconte enfant, désespéré par une humiliation familiale, voulant mettre fin à ses jours, et soudain léché par un chat qui a repéré qu’il a des morceaux de gâteau autour de la figure, collés par les larmes. Du gâteau au pavot, Gary est russe, son vrai nom est Roman Kacew (que l’on prononce katsef).
Et le chat se fait une ventrée de restes de gâteau...
Et cette langue râpeuse inspire l’idée à l’enfant que la vie existe, même si les lèchous du chat sont totalement intéressés, ça le fait sourire et il se dit que soudain il sert à quelque chose, puisque le chat prend du plaisir à lui piquer ses morceaux de gâteau. Il a la sensation que ce chat est sympathique, amical, son festin terminé il ronronne et l’auteur essaie de l’imiter.
Coup classique, il ressort des miettes de gâteau de sa poche et se rend compte que même sans amour, une relation amicale vaut le coup d’être vécue. 

Conclusion ? Dans la vie, si on veut être aimé, il faut toujours avoir des miettes de gâteau dans les poches.
Si l’on réfléchit bien, c’est un chat que nous devrions élire comme président du monde...  

 

 

“Je fus sauvé par un chat” de Romain Gary extrait de "La Promesse de l’aube" (1960) 

“Son museau apparut brusquement devant moi entre les bûches, et nous nous regardâmes un instant avec étonnement. C'était un incroyable matou pelé, galeux, couleur de marmelade d'oranges, aux oreilles en lambeaux et avec une de ces mines moustachues, patibulaires et renseignées que les vieux matons finissent par acquérir à force d'expériences riches et variées.

Il me regarda attentivement, après quoi, sans hésiter, il se mit à me lécher la figure.

Je n'avais aucune illusion sur les mobiles de cette soudaine affection.

J'avais encore des parcelles de gâteau au pavot répandues sur mes joues et mon menton, collées par mes larmes. Ces caresses étaient strictement intéressées. Mais cela m'était égal. La sensation de cette langue râpeuse et chaude sur mon visage me fit sourire de délice - je fermai les yeux et me laissai faire - pas plus à ce moment-là que plus tard, au cours de mon existence, je n'ai cherché savoir ce qu'il y avait, exactement, derrière les marques d'affection qu'on me prodiguait. Ce qui comptait, c'est qu'il y avait là un museau amical et une langue chaude et appliquée qui allait et venait sur ma figure avec toutes les apparences de la tendresse et de la compassion.

Il ne m'en faut pas davantage pour être heureux 

Lorsque le matou eut fini ses épanchements, je me sentis beaucoup mieux. Le monde offrait encore des possibilités et des amitiés qu'il n'était pas possible de négliger. Le chat se frottait à présent contre mon visage, en ronronnant. J'essayai d'imiter son ronron, et nous eûmes une pinte de bon temps, en ronronnant, tous les deux, à qui mieux mieux. Je ramassai les miettes du gâteau au fond de ma poche et les lui offris. Il se montra intéressé   et s'appuya contre mon nez, la queue raide.

Il me mordit l’oreille. Bref la  vie valait à nouveau la peine d'être vécue. Cinq minutes plus tard, je grimpais hors de mon édifice de bois et me dirigeais vers la maison, les mains dans les poches en sifflotant, le chat sur mes talons.

  j'ai toujours pensé depuis qu'il vaut mieux avoir quelques miettes de gâteau sur soi, dans la vie, si on veut être aimé d'une manière vraiment désintéressée. 

 

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